Bill Viola, « sculpteur du temps » dit qu’il est né comme artiste avec la video. Et ma génération est née à l’art video avec Bill Viola (ou pour être plus juste avec Nam Jun Paik, dont il a été le disciple).
Et donc, en m’enfonçant dans l’obscurité de l’exposition du Grand-Palais, c’est vers mon propre passé que je cheminais, que je plongeais. Bill Viola me fait partager ses rêves depuis longtemps et aujourd’hui encore je me « reconnais » dans ses travaux les plus récents, avec la même évidence qu’il y a 20 ans, ou 30 ans, avec la même émotion et la même admiration.
Aujourd’hui, les images sont plus nettes, le regard est comme lavé par le numérique. Mais la matière video de « The pool » ou de « Chot el Jerrid » je la reconnais, j’en sens presque l’odeur, comme celles de vieux tubes de peinture à l’huile qui traînent dans l’atelier. C’est vers cela que tendaient nos premières images, celles que nous enregistrions avec nos lourds magnétoscopes pour nos premiers travaux d’étudiants d’Ecole d’Art. C’était, déjà , la matière de nos rêves que Bill Viola saisissait. Ses visions nous transcendaient, et nous donnaient envie à notre tour de scruter le monde.
J’ai visité l’expo en somnambule, frôlant dans la nuit des ombres incertaines, flottant dans le liquide amniotique de mes souvenirs-écran, dans la matière palpable d’une fondamentale mélancolie.